Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Clonage affectif

Je crois que ce qui fait rêver le plus les humains, c’est le clonage. Il est tellement porteur d’espoir… Pourtant, il n’est pas dénué de danger non plus. C’est ce que j’ai découvert dans mon existence de pédiatre en l’an 3175. J’ai consigné mon histoire dans un carnet qui se trouve actuellement aux archives du CSNU avec la mention « Top Secret ». J’ai contribué, sans le savoir, à faire réussir leur plan machiavélique.

Nous sommes en 3175 et de nos jours, les manipulations génétiques d’êtres humains, sont devenues possibles et même largement pratiquées. A tel point que le monde actuel est divisé en classes différentes suivant le degré de conversion de l’organisme avec la cybernéti-science.

Le clonage, cette tentative de reproduction d’êtres humains à l’identique est, quant à elle, toujours hors la loi. Le CNSU s’est toujours opposé à la moindre tentative pour faire abroger cette loi. Pourtant, nos connaissances actuelles nous permettraient de réussir là où nos ancêtres avaient échoués.

Au début, bien des expériences avaient été tentées sur des moutons et de nombreuses pertes avaient été dénombrées avant d’arriver à Dolly. Pourtant, cela n’a pas empêché certains de continuer les expériences pour arriver à cloner un être humain. Il faut dire que les bonnes raisons ne manquaient pas. La greffe d’organes et le remplacement d’un enfant ou d’un conjoint décédé étaient les principales. D’autres encore, ne souhaitaient pas d’autre enfant qu’eux-mêmes ! Trop d’accidents avaient incité les autorités à interdire purement et simplement cette pratique. Des lois avaient été votées mais les recherches clandestines n’avaient pas cessé pour autant et cela,  même au sein des hôpitaux. Finalement, les autorités s’étaient vues contraintes de s’emparer des travaux des chercheurs. Ils avaient promis de les détruire mais au lieu de cela, ils les avaient conservés dans le cerveau cybertronique qu’ils avaient créé. Cette machine allait devenir la plus grande bibliothèque d’archives du monde entier.

 

J’étais une pédiatre reconnue. Lorsque je me suis trouvée devant cette enfant handicapée dont je savais qu’elle ne survivrait pas plus de quelques heures, j’ai été prise d’une irrépressible envie de faire triompher la vie à n’importe quel prix. C’était la première fois que je me trouvais confrontée à ce genre de cas. Je ne pensais même pas que cela puisse encore arriver à notre époque de grande technologie. En compulsant le dossier de sa maman, j’ai vite compris pourquoi. Cette personne était une fervente défenseuse de la vie naturelle. Elle avait refusé que les médecins puissent intervenir sur son fœtus pour corriger les erreurs de la nature. Quand l’ordinateur eut déterminé que ses capacités intellectuelles étaient complètement normales, je n’ai eu qu’une seule envie, la faire cloner par un de mes collègues et transférer son esprit dans un nouvel être parfait issu d’une matrice artificielle..

Les autorités de mon monde ne pouvaient concevoir l’existence d’une enfant comme elle. Les insuffisances les plus minimes étaient rapidement étudiées par nos scientifiques et éliminée du génome humain sans la moindre hésitation et les nouvelles générations en profitaient ensuite. C’était d’ailleurs en parfaite contradiction avec la loi qui interdisait le clonage.

Cet enfant me souriait dès que j’arrivais pour l’ausculter. J’étais démunie devant cette gamine.  Toutefois, je savais que je ne pouvais me résoudre à la laisser détruire.  C’était contraire aux règles d’éthiques autour desquelles j’avais construit l’essentiel de mon existence. Il fallait que je fasse quelque chose et vite avant que les destructeurs n’arrivent pour l’emmener.

Je savais que c’était défendu mais je n’ai pas pu me retenir de transgresser la loi Pour la première fois de ma vie, je me sentais vivre et je voulais en profiter jusqu’au bout. Cela provoquait  en moi un tel flot d’adrénaline… D’autant plus qu’il se passait des choses étranges dans ma vie ces derniers temps. Moi qui avais toujours basé ma vie sur la raison et la science ; voilà que je m’intéressais à l’esprit et à ses ressources insoupçonnées. Sans pour autant être hors-la-loi, ces recherches étaient dénigrées et qualifiées de pure folie par nos autorités scientifiques. Et cela, même si nos archives mentionnaient de nombreuses religions ayant eu recours à la méditation et à la prière.

J’ai commencé à expliquer la situation à mon collègue généticien. Pour moi, l’esprit de cet enfant méritait mieux qu’un corps imparfait. Nous allions devoir mettre en oeuvre les travaux de nombreux scientifiques des temps passés. Je n’ai pas eu de mal à déchiffrer son expression :  il me prenait pour une illuminée. L’argumentation très convaincante qu’il m’opposa n’eut pour seul effet que de me conforter dans ma décision. Face à son refus, je n’avais qu’une seule alternative : me débrouiller seule. Il m’était impossible de passer par les naturels puisqu’ils n’acceptaient qu’une aide minimale de la médecine pour leurs enfants.

Par chance, j’allais pourvoir profiter de ma notoriété pour obtenir ce dont j’avais besoin. Je n’étais pas généticienne aussi allait-il falloir que je me remette aux études. Je n’aimais pas cette phase. Cela ne durait qu’une matinée après l’injection mais cela n’était pas très agréable de recevoir un concentré de connaissances. Pendant les quelques heures qui suivaient, le temps que le savoir s’installe dans votre cerveau ; le temps que ce dernier crée les connexions nécessaires à l’appel et à l’utilisation de celui-ci, vous aviez vraiment une impression constante de vertiges et de nausées. Malheureusement, nous n’avons  jamais pu réduire et encore moins supprimer ces effets indésirables. La cause en étant qu’un apport aussi important d’informations provoquait inévitablement une agression. Elle durait juste le temps d’intégrer le matériel via les petits mémoire-blocs que contenait le liquide de la seringue. Après cela vous pouviez commencer à pratiquer comme si vous aviez étudié toute une vie. Une utopie pour les générations passées, une réalité pour moi.

Je me mis en recherche pour me procurer tout ce dont j’allais avoir besoin. Hier encore, je ne m’imaginais pas la complexité du labo qu’il allait me falloir. Je n’étais pas inquiète.  Mon mot de passe avait été modifié en fonction des connaissances acquises. Maintenant, il avait été activé comme pédiatrico-génétique. Avec lui, je pouvais maintenant avoir accès aux archives cybertroniques concernant les recherches génétiques sur le clonage, sur le prélèvement de l’esprit et sur sa réimplantation dans un autre corps.

J’installais mon laboratoire dans un hangar désaffecté que j’avais loué pour une bouchée de pain à un naturel. J’avais toujours trouvé très amusante l’habitude qu’ils avaient gardée de se servir d’argent pour payer leurs achats ou obtenir un habitat. Cela n’avait rien de naturel. Il aurait plutôt dû en revenir au troc qui était beaucoup plus en phase avec leur mode de vie.

J’allais chercher l’enfant qui dormait dans une chambre de l’hôpital. Curieusement, tout naturel qu’il était, sa mère n’en voulait pas et elle avait signé une permission de détruire. C’était étonnant que la brigade ne soit pas encore venue le chercher.

Assez bizarrement devenir une criminelle et perdre ma licence ne m’effleurait pas particulièrement l’esprit et j’emmenais l’enfant avec moi. Je ne prenais même pas la peine de falsifier sa feuille de sortie. La brigade-destruction passait toujours incognito car ces personnes étaient mal vues de toute la population. On penserait que c’étaient eux qui étaient venus .

Je commençais à m’interroger sur le fait que ma demande d’injection ait  pu éveiller l’attention du comité anti-clonage. Ces gens n’hésitaient pas à détruire toute tentative de reproduire un être humain à l’identique. Ils faisaient partie de la police légale et il leur fallait des preuves flagrantes avant d’intervenir. C’était la seule brigade policière où on pouvait encore voir se côtoyer des naturels et des semi-cybernétiques comme moi.  Mais beaucoup espéraient que le prélèvement de l’esprit et l’implémentation dans un robot à notre image allait obliger le Conseil Supérieur des Nations Unifiées à revoir sa copie concernant le clonage. Pourquoi, vous demandez-vous ? C’est très simple !

L’implémentation de l’esprit dans un robot était le fruit d’une recherche cyberspatiale. Cela aurait permis à des humains de voyager dans l’espace, de piloter nos engins spatiaux sans subir les assauts du temps. Lorsque le temps aurait été venu de rencontrer d’autres peuples, l’ordinateur de bord aurait créé des clones de nos équipes spatiales. Ces clones auraient évidemment  vieilli artificiellement pour parvenir à l’âge qu’auraient eu nos équipes sur terre. Ensuite, l’esprit aurait été insufflé dans le clone et ainsi de suite. C’était un bon moyen de ne pas couper les humains de leur planète d’origine. Quoi que je me demande s’il ne valait pas mieux pour eux d’aller s’installer ailleurs. Polluée comme elle l’était, la planète ne tiendrait plus très longtemps à ce rythme là. Sans les systèmes respiratoires externes capables de filtrer le dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère, nous serions morts depuis longtemps.

Plongée dans mes pensées, je me rendis à mon laboratoire et me mis au travail pour réaliser l’appareil de prélèvement et la matrice de clonage. C’était un travail de longue haleine. Tout ceci, finalement, n’en était encore qu’en phase de projet. Il fallait que je rivalise d’ingéniosité pour résoudre tous les problèmes qui se posaient au fur et à mesure de l’avancement de mon projet. Il fallait que je réussisse. Cet enfant n’avait plus que quelques heures à vivre. Il fallait se dépêcher.

Bientôt, tout fut prêt pour le transfert. Un rayon devait être projeté à travers les yeux de l’enfant pour prélever son esprit mais ce qui allait suivre allait changer le cours des évènements.

Lorsqu’ils firent irruption dans mon laboratoire, je pensais tout d’abord qu’il s’agissait du comité anti-clonage mais la présence du signe du CSNU me démontra le contraire. Je me doutais qu’ils voulaient le résultat de mes travaux et je n’étais pas du tout disposée à le leur céder de bonne grâce. Le choc fut violent, une douleur telle  que je perdis l’équilibre. Mon coude activa le bouton du transposeur. Mon regard entra en contact avec le fameux rayon, mon esprit fut prélevé et transféré dans le clone à la place de celui de l’enfant.

Je les entendis ricaner. Il se fichait de moi. Attendez un peu que je sois plus grande !

Ils m’emmenèrent avec eux.  Je les entendais discuter de mes recherches.  Ils avaient l’air d’apprécier que la moitié du travail soit déjà réalisé. Il ne restait plus qu’à adapter le transposeur pour lui permettre de fonctionner avec les machines. Une modification mineure, disaient-ils.  Ils savaient que je ne pourrais supporter de voir un enfant handicapé et qu’il y avait 99 % de chances que je me lance dans ces recherches pour le sauver. Ils m’avaient piégé facilement ! Ils avaient payé une famille de naturels et inséminer artificiellement le fœtus dans le ventre de la mère. Ils avaient fait exprès de créer un être difforme. C’était horrible !

J’appris encore qu’ils feraient les premiers essais sur moi et qu’ils m’enverraient errer à tout jamais au sein des circuits cybernétiques de notre ville. L’ordinateur me prendrait pour un virus et lancerait une attaque contre moi afin de m’éradiquer de son système. Ils seraient ainsi débarrassés de moi à la veille de partir de cette planète pourrie.

Alors devant tant de machiavélisme, je me mis à pleurer.  Quoi de plus normal pour un nourisson ?

Aimée
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
T
Bonsoir Aimée,<br /> j'avais lu cet article hier et il a fait naître ou renaître en moi une foule de réflexions déjà présentes à l'époque où la communauté scientifique s'était félicitée d'avoir réussi le clonage sur les animaux,<br /> plus tard était parue une liste de personnalités qui s'étaient faites inscrire pour obtenir leur clone lorsque la méthode serait au point pour l'homme; parmi elles de nombreux top models, et autres personnalités en vogue,<br /> alors une question était née: ces personnes veulent se reproduire pour perpétuer leur beauté physique, leur célébrité, leur richesse..., bref! pour perpétuer ce que je qualifierai d'un certain narcissisme doublé d'une égocentrisme sans bornes.<br /> mais comment le clonage pourrait il réussir à perpétuer les qualités morales d'un homme? son caractère? tout cela n'est -il que génétiquement programmé, où est l'influence du milieu? de l'éducation?<br /> si la réponse est oui alors elle pourrait conduire a une forme cachée d'eugénisme, une procréation machiavélique dont la finalité serait évidemment de ne laisser vivre que ceux qui auront les gènes convenables pour s'adapter et être manipulés, ainsi la terre se peuplerait à l'infini d'un seul modèle humain assurant la perpétuité de l'espèce mais gouverné par un autre genre seul apte à décider de ce qui serait acceptable...<br /> bonne soirée :))
Répondre
A
<br /> Tout ce que tu dis est extrèmement juste mais en supplément j'ajouterai que c'est inutile, dangereux et qu'à force de jouer les apprentis-sorciers, on va finir par se brûler.<br /> Comme je dis souvent, il va finir par nous pousser des antennes !<br /> <br /> <br />